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Louis XVI: « Le peuple français est incapable d'un régicide »




Le 21 janvier 1793 à 10h22 du matin, le roi Louis XVI n'était plus ; condamné à mort par la Convention Nationale, son exécution mit fin à un procès qui déchaîna les passions pendant près de deux mois. Encore aujourd'hui, ce jugement fait débat dans la société et auprès des historiens : la nécessité de renforcer la République imposait-elle réellement l'élimination du Roi ? la procédure fût-elle parfaitement légale au regard des lois de l'époque ?


CONTEXTE


Louis XVI, roi des Français depuis la Constitution de 1791, perdit ses derniers pouvoirs lors de la journée du 10 août 1792 quand les patriotes fédérés, provenant de toutes les régions de France, donnèrent l'assaut sur le château des Tuileries, résidence royale depuis le retour du Roi à Paris à la fin de l'année 1789.

 

Plus que le 14 juillet 1789, le 10 août 1792 est une date fondamentale dans l'Histoire de France car elle caractérise véritablement la fin de la monarchie dans notre pays et le point de non-retour de la Révolution Française. Le roi déchu, désormais seul contre tous, est alors emprisonné trois jours plus tard avec sa famille dans la prison du Temple à Paris.

 

Mais que faire du Roi ? Son incarcération satisfaisait autant les uns qu'elle ne dérangeait les autres. Les plus modérés des députés de la Convention souhaitaient lui octroyer un sursis temporaire ; les autres, plus catégoriques, réclamaient son jugement et, pour les plus inflexibles d'entre eux, sa mort immédiate.

 

L'ENQUETE

 

Des commissions d'enquête se formèrent au sein de l'assemblée pour recueillir les preuves de la culpabilité de Louis XVI.


Mais rappelons que la Constitution du 3 septembre 1791, toujours en vigueur au moment des discussions, énonçait que « la personne du roi est inviolable et sacrée ». Alors qui souhaitait-on juger vraiment : le citoyen nouvellement baptisé Louis Capet ou le roi Louis XVI ? Le débat fut ainsi lancé et les députés se succédèrent à la tribune pour défendre leur point de vue sur la question mais, globalement, ces derniers s'enquièrent plutôt en majorité à démolir un principe qu'ils avaient eux-mêmes édifiés en faveur du roi un an plus tôt. Les déclarations tonitruantes de certains tribuns finirent par emporter la décision.

 

Saint-Just, jeune député de l'Aisne, asséna le premier des coups irréversibles contre la personne de Louis XVI : « On ne peut régner innocemment. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. Cet homme doit régner ou mourir ». 

 

Robespierre enfin, fort de son expérience dans la précédente Assemblée Nationale, enfonça le clou le 3 décembre 1792 à la tribune de la Convention : « Louis n'est point un accusé. Vous n'êtes point des juges. Vous n'êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État, et les représentants de la nation. Vous n'avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer.  Je prononce à regret cette fatale vérité, mais Louis doit mourir, parce qu'il faut que la patrie vive. »

 

Le 20 novembre 1792, de nouvelles pièces à conviction furent portées à la connaissance des députés : dans la cachette secrète construite à l'intérieur d'une boiserie dans un corridor menant à la chambre à coucher du roi au château des Tuileries, les révolutionnaires ont mis en lumière pas moins de 625 documents dont les plus accablants révèlent la correspondance secrète du roi et de la reine avec leur allié l'Empereur d'Autriche.

 

LES FAITS IMPUTES

 

Le rapport sur les crimes imputés à Louis Capet est présenté aux représentants du peuple le 10 décembre 1792 et énonce 33 chefs d'accusation contre Louis Capet : refus de contresigner l'abolition des privilèges, tentatives de corruption des députés, fuite à Varennes, tentative de retour de la monarchie absolue en France par intervention militaire, intelligence avec des puissances étrangères, ordres de tirer sur le peuple...  (vous pouvez lire les 33 chefs d'accusation en fin d’article)

 

LES DEBATS


Louis XVI comparut devant ses « juges » le mardi 11 décembre 1792 et le Président de la Convention Nationale ordonna la lecture de l'acte des 33 chefs d'accusation.

 

S'ensuivit un long interrogatoire mené par le Président qui, reprenant chaque point, força l'accusé à se justifier. Les réponses de l'ancien souverain, convenues, n'en furent pas moins dans certains cas parfaitement valables.

 

Mais la défense trop timorée de Louis, de son propre aveu, suffit à lui commander de s'entourer d'un « conseil de défense » accordé par les députés le 12 décembre. Ce conseil se composera de trois juristes célèbres : François Denis Tronchet, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, par deux fois ministres, et Raymond de Sèze, ancien magistrat et avocat. Ces derniers travaillèrent nuit et jour, séparément puis conjointement, à bâtir une défense irréprochable au roi.

 

Le 26 décembre, le roi et ses avocats sont entendus par la Convention. Le Président de la Convention Nationale reprit un par un les 33 chefs d'accusation et les regroupa :

  • les faits antérieurs à la Constitution du 3 septembre 1791 rendent le roi irresponsable de ses actes,

  • les faits postérieurs ne mettant pas seulement en cause Louis XVI doivent faire rendre compte de la responsabilité de ses ministres qui ont pu intervenir dans telle ou telle décision,

  • les faits postérieurs uniquement imputables au roi ne sont pas prouvés de manière indiscutable, de sorte que l'avocat plaida systématiquement non coupable.

 

On demanda alors à l'accusé s'il souhaitait s'exprimer publiquement. Voici la retranscription exacte du dernier discours officiel du roi à ses anciens sujets :

 

« On vient de vous exposer mes moyens de défense, je ne les renouvellerai point ! En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité. Je n’ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l’acte d’accusation l’imputation d’avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués. J’avoue que les preuves multipliées que j’avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m’étais toujours conduit, me paraissaient devoir prouver que je craignais peu de m’exposer pour épargner son sang, et éloigner à jamais de moi une pareille imputation. »

 

Le 14 janvier 1793, la Convention commença à discuter des modalités du jugement. Après bien des discussions houleuses entre ses membres, la proposition déclinée en quatre questions du député Boyer-Fonfrède est acceptée :

  1. Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ?

  2. Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ?

  3. Quelle peine sera infligée à Louis ?

  4. Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet, oui ou non ?

 

LE JUGEMENT

 

Les 749 députés de la Convention optèrent le 15 janvier 1793 pour un vote de chaque représentant du peuple à haute voix à la tribune. Cette mesure sonna le glas des défenseurs du roi car la pression populaire dans et hors de l'enceinte de l'assemblée a inévitablement fait changé certains votes de députés apeurés. Pour preuve la déclaration d'un député Montagnard à ce propos : « Il faut que vous ne laissiez pas passer une question sans l'appel nominal : par cette mesure nous ferons connaître à la République les membres qui ne sont pas à la hauteur de leur mission ».

 

A la première question

« Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ? »

642 députés sur les 718 présents répondirent « OUI ».

 

A la seconde question

« Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ? »

423 députés sur les 721 présents répondirent « NON ». Les plus modérés souhaitaient éviter au roi la peine maximale et l'appel au peuple était un bon moyen d'inverser la tendance d'un jugement trop influencé par les sans-culottes parisiens.

 

A la troisième question

« Quelle peine sera infligée à Louis ? »

366 députés sur les 721 présents répondirent "LA MORT SANS CONDITION" (soit 5 voix de plus que la majorité absolue). Comme évoqué pour la question de la culpabilité, le vote à voix haute a définitivement annihilé les espoirs de sursis pour l'ancien souverain : question la plus épineuse, la pression avait atteint proportionnellement son paroxysme. De fait, chaque député ne votant pas la mort était injurié et même menacé par la foule qui s'était déplacée en masse sur les lieux du jugement.

 

Un second vote nominal porta à 361 le nombre de votants pour la mort, soit seulement une voix de plus que la majorité absolue. Certains accablèrent alors a posteriori le duc d'Orléans, Philippe Egalité, d'avoir voté contre son cousin Louis XVI et ainsi fait pencher la balancer en faveur des partisans de la mort. Ce nombre est malgré tout à relativiser car 26 députés supplémentaires se prononcèrent pour la mort mais selon l'amendement Mailhe qui s'interrogeait sur le report de la condamnation pour le bien de la Nation ; ce qui porte donc à 387 le nombre de votants réels pour la mort lors de ce second vote nominal.

 

A la quatrième question :

« Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet, oui ou non ? »

380 députés sur les 690 présents répondirent « NON ». Le roi et ses avocats interjetèrent appel de la décision comme cela était leur droit ; sans grande surprise, cette demande fut rejetée par la Convention.


Louis XVI fut guillotiné sur la place de la Révolution à Paris, actuelle place de la Concorde, le 21 janvier 1793.


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LES 33 CHEFS D'ACCUSATION

 

Le rapport sur les crimes imputés à Louis Capet est présenté aux représentants du peuple le 10 décembre 1792 et énonce 33 chefs d'accusation contre Louis Capet

 

  1. Tentative de dissolution de la toute nouvelle Assemblée Nationale constituante le 20 juin 1789

  2. Pression militaire sur cette même Assemblée trois jours plus tard

  3. Envois de troupes pour contrer les émeutiers lors de la pris de la Bastille le 14 juillet 1789

  4. Refus de contresigner l'abolition des privilèges votée le 4 août et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen le 26

  5. Tentatives de corruption des députés de l'Assemblée constituante, notamment Mirabeau

  6. Ordre de réprimer dans le sang la mutinerie de la garnison de Nancy (33 condamnations à mort par le marquis de Bouillé)

  7. Fuite à Varennes le 21 juin 1791 et massacre du peuple demandant la fin de la monarchie réuni au Champs-de-Mars le 17 juillet

  8. Acceptation tacite par le silence de la convention de Pilnitz d'août 1791 prévoyant le retour de la monarchie absolue en France par intervention militaire des autres puissances européennes

  9. Envoi de 3 commissaires royaux à Arles pour justifier certains actes contre-révolutionnaires au lieu de les réprimer

  10. Refus d'intégrer les anciennes possessions du Pape en France aux territoires de la Nation

  11. Refus de combattre plusieurs révoltes contre-révolutionnaires dans certaines villes du sud de la France

  12. Envoi de troupes contre les révolutionnaires chargés de mater les précédentes révoltes

  13. Nomination d'un général royaliste à la tête de l'armée du Midi

  14. Transferts d'argent vers les émigrés de Coblentz postés à la frontière française

  15. Acceptation tacite par le silence et intelligence avec l'armée d'émigrés postée à Coblentz et destinée à marcher sur Paris

  16. Négligences volontaires pour la sûreté de l'Etat par un manque béant d'hommes aux frontières malgré le risque élevé d'invasion

  17. Ordres multiples destinés à désorganiser l'armée française

  18. Double jeu diplomatique auprès des puissances européennes et alliances secrètes avec elles

  19. Retard dans l'acceptation de lever une armée supplémentaire pour défendre la France

  20. Retard de deux jours cruciaux pour contrer le franchissement de la frontière française par l'armée prussienne

  21. Trahison de certains officiers français nommés par le roi

  22. Aucun ordre ni effort pour bâtir une marine nationale puissante

  23. Double jeu politique dans les colonies et actes de contre-révolution soutenus par le roi

  24. Soutien aux prêtres réfractaires [religieux français n'ayant pas accepté la Constitution civile du Clergé, ndlr]

  25. Veto royal sur le décret contre lesdits prêtres réfractaires

  26. Second veto royal sur le décret suivant concernant la même question

  27. Préservation et consolidation de la Garde constitutionnelle chargée de défendre le Palais des Tuileries

  28. Conservation des bataillons suisses de cette même Garde contre l'avis de l'Assemblée

  29. Maintien d'agents doubles pour mener à bien des actes contre-révolutionnaires dans la ville de Paris

  30. Tentatives de corruption des députés de l'Assemblée législative

  31. Acceptation tacite par le silence des répressions commises contre des français vivant à l'étranger

  32. Revue le matin du 10 août 1792 de la Garde suisse qui allait tirer sur le peuple plus tard dans la journée

  33. Ordres de tirer sur le peuple et d'avoir fait "couler le sang des français"

 

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