Quand la langue meurt, la France vacille
- Prince Charles-Philippe d'Orléans
- il y a 1 jour
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La langue française, fruit d’une histoire millénaire, est bien plus qu’un outil de communication : elle est un héritage, un trésor, un acte de civilisation. Elle est le fil conducteur de notre histoire, le miroir de notre culture et le pont vivant entre les peuples qui partagent notre mémoire, nos valeurs et notre vision du monde. Pourtant, ce trésor est aujourd’hui en péril. Son influence décline, sa présence s’efface, et son avenir est menacé par l’indifférence, l’oubli, et parfois même la honte.
Ce que révèle, entre les lignes, le rapport au Parlement sur la langue française remis en mars 2025 par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, c’est une forme de résignation officielle. On y constate les reculs, mais on les accompagne avec des mots prudents. Or, c’est d’un sursaut dont nous avons besoin. Ce rapport illustre que la République ne défend plus activement sa langue ; elle la laisse vivre… ou mourir. L’anglicisation croissante des institutions, des entreprises et de l’enseignement supérieur est le symptôme le plus visible de ce déclin. Dans les instances européennes, la proportion de textes rédigés en français est passée de 40 % à moins de 5 % en deux décennies. Dans nos universités, il n’est plus rare que les masters s’intitulent en anglais, que les cours se donnent en anglais, et que l’on exige des étudiants français qu’ils rédigent leur mémoire dans une langue qui n’est pas la leur. Ce phénomène n’est pas un progrès : c’est une abdication.
On invoque l’international, on invoque la modernité, mais au fond, c’est le symptôme d’un effacement. Le monde du travail lui aussi s’aligne. Il ne suffit plus de parler un français impeccable : il faut aujourd’hui « pitcher », « manager », « networker ». Ces glissements ne sont pas anecdotiques. Ils nous habituent à penser que le français serait incapable d’exprimer la complexité du monde contemporain, comme si notre langue — celle de Pascal, de Montesquieu, de Hugo, de Senghor ou d’Albert Camus — était devenue obsolète.
La science, la technologie, la recherche : tous ces champs d’excellence cèdent à l’uniformisation anglophone. Un chercheur qui publie en français, aujourd’hui, limite sa carrière ; un étudiant qui ose s’exprimer dans sa langue à l’oral est perçu comme provincial. Et dans ce contexte, comment s’étonner que le niveau général de maîtrise du français recule chez les jeunes générations ? À force de le reléguer, nous le perdons. À force de croire qu’il se défendra seul, nous le laissons s’effacer.
Il est tentant de se tourner vers l’Afrique, continent francophone d’avenir, pour se rassurer. Mais même là, les signaux sont fragiles. L’enseignement du français y subit la concurrence croissante de l’anglais, du mandarin, ou de langues vernaculaires réhabilitées à juste titre. Dans de nombreux pays africains, le français reste langue d’élite, langue d’examen, mais perd en ancrage populaire. Et dans les pays francophones du Nord, les signes sont tout aussi inquiétants. Au Québec, le recul du français est désormais chiffrable. Sur l’île de Montréal, le français n’est plus que la langue maternelle d’un habitant sur deux. La loi ne suffit plus : c’est une culture du respect de la langue qu’il faut rétablir.
Ce que nous vivons n’est pas un simple phénomène d’évolution linguistique. C’est un effacement organisé, encouragé par une forme d’impérialisme linguistique globalisé. On présente l’anglais comme une langue neutre, universelle, naturelle. Mais elle est d’abord la langue d’un empire économique et culturel qui ne dit pas son nom. Accepter sa domination sans condition, c’est consentir à la disparition progressive de notre propre imaginaire, de nos subtilités, de nos nuances, de notre manière de dire le monde.
Et comment ne pas s’indigner des propos de Jean-Luc Mélenchon, pour qui “le français n’est pas la langue de la République” ? Cette déclaration, indigne d’un ancien élu de la Nation, trahit non seulement une méconnaissance flagrante de notre histoire, mais surtout un renoncement coupable à ce qui fait le socle même de notre contrat social. La République française s’est construite par la langue, autour de la langue, grâce à la langue. C’est elle qui a unifié les provinces, transmis les lois, structuré l’école et façonné l’imaginaire républicain. La réduire à un simple “instrument colonial”, comme il l’a laissé entendre, c’est confondre héritage et oppression, c’est jeter l’opprobre sur ce qui a permis l’émancipation de millions d’hommes et de femmes. La francophonie n’est pas une forme de néo-impérialisme : elle est une communauté de destin, un espace de pensée, de création et de liberté. Quand un responsable politique attaque sa propre langue, c’est sa propre nation qu’il mine. Et c’est le peuple qu’il trahit.
La langue française n’est pas une survivance du passé. Elle est un levier pour penser l’avenir. Elle offre une alternative à la brutalité de certaines logiques économiques, à l’utilitarisme pur qui domine aujourd’hui les échanges internationaux. Elle porte une vision du monde faite de mesure, de clarté, de rigueur et de beauté. Refuser sa marginalisation, c’est refuser une vision appauvrie de la mondialisation.
Mais il ne suffit pas de déplorer. Il faut agir. Il faut investir massivement dans l’enseignement du français en France comme à l’étranger. Il faut faire du français une langue de travail dans tous les secteurs, y compris les plus innovants. Il faut exiger des institutions européennes et internationales qu’elles respectent la diversité linguistique. Il faut cesser de penser que la technologie impose l’anglais : les outils numériques doivent être francophones aussi, et même d’avant-garde. Il faut aussi que l’État lui-même cesse de se contredire : on ne peut pas promouvoir la francophonie à l’UNESCO et imposer des intitulés en anglais dans les ministères.
La langue française est un trésor que nous devons chérir et protéger. Elle n’est ni dépassée, ni ringarde, ni repliée : elle est moderne, vivante, précise, inventive. Elle est une clef de lecture du monde, une manière de vivre ensemble, un héritage universel. Elle est un projet collectif.
Je suis, par ma naissance, l’héritier d’une tradition millénaire. Mais je crois que l’héritage n’est pas une nostalgie : c’est une responsabilité. Avec mon épouse, la Princesse Naomi, nous avons voulu faire du Prix Hugues Capet un lieu où l’on célèbre non seulement les figures de l’histoire, mais aussi ceux qui, aujourd’hui, défendent la langue, la littérature et la culture françaises. Car c’est dans la langue que se tient le cœur vivant d’un peuple. La France sans sa langue ne serait plus tout à fait la France. Et sans la France, le monde perdrait une voix singulière, une conscience vigilante, une promesse de liberté.
Cette tribune est une invitation à réfléchir sur l’importance de la langue française, et à agir, enfin, pour sa préservation et son rayonnement. Il est encore temps. Mais il ne faut plus attendre.
Prince Charles-Philippe d’Orléans
Il aurait été souhaitable de rappeler que les anglicismes sont sont interdits dans de nombreux domaines en France, et que ce type d'infraction donne lieu à des actions en justice de la part de l'association de défense du français Francophonie Avenir, qui aboutissent souvent à des condamnations :
https://www.francophonie-avenir.com/fr/L-anglomanie-traitee-sur-le-plan-juridique/434-Affaires-gagnees-par-l-Afrav
Le gouvernement lui-même est poursuivi dans le cadre de plusieurs affaires (tout comme France Télévisions, la Commission européenne, l'Institut polytechnique de Paris et la Région Occitanie) :
https://www.francophonie-avenir.com/fr/L-anglomanie-traitee-sur-le-plan-juridique/433-Proces-en-cours-contre-l-anglomanie
Et il a été condamné le 20 octobre 2022 pour emploi illégal de la marque Health Data Hub :
https://www.20minutes.fr/societe/4006812-20221024-francophonie-terme-health-data-hub-pourra-plus-etre-utilise-gouvernement
De même, l'aéroport de Metz-Nancy-Lorraine a été condamné le 14 décembre 2023 pour emploi illégal de la marque Lorraine Airport :
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/en-guerre-contre-l-anglomanie-ces-partisans-du-francais-ont-vaincu-le-lorraine-airport-20231221
Pour simplifier, il suffit d'abroger l'article 107 de la loi Hamon du 20 mars 2014, article qui abrogeait les articles sanction de la loi Toubon du 4 août 1994 : elle-même protectrice de la langue française
Martiniquais professeur de Lettres Modernes, fils d'un professeur de philosophie adulé par ses anciens élèves tels Camille Darsières et son frère compagnons politiques d'Aimé Césaire, et d'Edouard Delépine historien, exhumateurs des écrits politiques de Césaire et de tant d'autres élèves en Martinique puis au Sénégal, en Côte d'Ivoire et à Orléans, je peux attester que mon père et les Martiniquais de sa génération maniaient un français particulièrement nuancé et d'une maîtrise de la grammaire remarquable que moi-même hélas je ne maîtrise pas. Ancien élève d'Henri IV, admirateur du philosophe Alain son professeur, qu'il considérait comme son maître, condisciple de Robert Schumann resté son ami jusqu'à sa disparition, il fut un enseignant exceptionnel comme beaucoup d'autres à cette époque. Enseignant…
Monseigneur,
Je suis toujours désolé quand une langue disparaît, car la langue est l’âme d’une nation.
Bien que je sois fier d'être portugais, j'ai appris à parler français très jeune et j'ai lu des classiques français tels que Stendhal, Honoré de Balzac, Maupassant, Molière, Emile Zola, Albert Camus et Victor Hugo, entre autres. Je me considère définitivement comme un francophone.
L'anglais est direct, sans complexe et merveilleusement amoral. Mais, le français est magnifique et il est impossible de ne pas avoir l'impression de parler la langue de l'amour.
Dans cet esprit, j'ai créé une association pour la défense de la langue française que j'ai appelée : "Noé de la langue française" dont voici le logo